*Sénégal/politique : Abdoulaye Gallo Diao , membre du bureau politique du parti socialiste , alerte sur les dérives arbitraires d’ une justice des vainqueurs fondée sur la haine et la vengeance *

*ATTENTION AUX DÉRIVES ARBITRAIRES D’UNE JUSTICE DES VAINQUEURS FONDÉE SUR LA HAINE ET LA VENGEANCE*

 

Depuis l’avènement de Pastef au pouvoir, la réforme de la justice au Sénégal s’impose comme une urgence vitale et une impérieuse nécessité politico-juridique. Depuis la nomination d’Ousmane Sonko au poste de Premier ministre en avril 2024, de nombreux justiciables sénégalais avouent craindre désormais leur propre justice.

 

Le caractère inquisitoire du Parquet dans les poursuites visant certains opposants politiques pose un sérieux problème de respect et de protection des libertés individuelles et collectives. De ce fait, la réforme du Parquet et de la Haute Cour de Justice apparaît comme la seule voie salutaire pour préserver l’unité nationale, la cohésion sociale, la stabilité politique et la paix civile.

 

*1. La réforme du Parquet*

 

Cette réforme, essentielle, demeure une urgence absolue. Elle doit viser avant tout à renforcer l’indépendance du système judiciaire et à garantir une véritable séparation des pouvoirs. Dans cette dynamique, il convient notamment de :

 

• Détacher le Parquet de l’exécutif, en supprimant les instructions du ministre de la Justice, afin de réduire les détentions préventives abusives et prolongées.

 

• Renforcer les droits des justiciables par la création d’un juge des libertés et de la détention, garantissant mieux les droits fondamentaux des personnes impliquées dans une procédure judiciaire.

 

• Élire les procureurs à travers un mécanisme institutionnel et démocratique mis en place à cet effet. Une telle élection contribuerait à l’indépendance des magistrats et consoliderait la séparation entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire.

 

Le cas de l’activiste Assane Diouf, arrêté le 27 février 2025 par les éléments de la DIC, illustre parfaitement les dérives actuelles. Poursuivi pour diffusion de fausses nouvelles et offense à une autorité exerçant tout ou partie des prérogatives du Président de la République, il a été condamné à quatre mois de prison ferme après avoir déjà passé près de sept mois en détention préventive.

 

C’est une première dans l’histoire judiciaire du Sénégal : un citoyen a été poursuivi et emprisonné pour offense à une personne exerçant des prérogatives présidentielles sans que celle-ci soit juridiquement désignée. Plus grave encore, le prévenu est resté sept mois en détention avant d’être condamné à une peine inférieure à sa période de détention préventive.

 

Ce seul cas devrait suffire à provoquer une réforme sérieuse et urgente du Parquet dans notre système judiciaire. À cela s’ajoutent les nombreux chroniqueurs détenus depuis des mois dans l’attente de leur jugement pour des faits relevant du flagrant délit, ainsi que des dignitaires de l’ancien régime de Macky Sall et des hommes d’affaires supposés proches de lancien président.

 

*2. Réformer la Haute Cour de Justice pour freiner la justice des vainqueurs*

 

L’article 101 de la Constitution dispose que le Président de la République n’est responsable des actes accomplis dans l’exercice de ses fonctions qu’en cas de haute trahison. Il ne peut être mis en accusation que par l’Assemblée nationale, statuant à bulletin secret à la majorité des trois cinquièmes de ses membres ; il est alors jugé par la Haute Cour de Justice.

 

Instituée par l’article 99 de la Constitution de 2001, la Haute Cour de Justice est régie par la loi organique n° 2002-10 du 22 février 2002. Placée sous la présidence du Premier président de la Cour suprême, elle est composée de huit juges titulaires élus par l’Assemblée nationale. Depuis 1962, cette institution, privilège de juridiction, a été très rarement sollicitée.

 

Or, depuis la victoire de Pastef aux législatives anticipées, puis la mise en place d’une Haute Cour de Justice dominée par des députés proches d’Ousmane Sonko, un mot d’ordre semble s’imposer : accuser l’ancien président Macky Sall de haute trahison pour le traduire devant cette juridiction.

 

Ainsi, Pastef semble vouloir utiliser la Haute Cour comme une arme politique, profitant de sa majorité mécanique à l’Assemblée nationale pour juger l’ancien chef de l’État et ses anciens ministres. Une situation inédite dans l’histoire politique du Sénégal : jamais un ancien président ayant organisé une élection libre, démocratique et transparente sans y participer n’avait été menacé d’une telle procédure.

 

La composition actuelle de la Haute Cour de Justice, où huit parlementaires siègent comme juges aux côtés d’un seul magistrat professionnel, viole le principe fondamental de la séparation des pouvoirs. L’Assemblée nationale doit se limiter à son rôle législatif et de contrôle de l’action gouvernementale. L’application de la loi et rendre la justice au nom du peuple relèvent exclusivement des Cours et Tribunaux.

 

En conférant à des députés des fonctions judiciaires, la Haute Cour outrepasse donc les limites constitutionnelles de la séparation des pouvoirs. Cette aberration juridique doit être corrigée sans délai.

 

De plus, l’absence de double degré de juridiction autrement dit, l’impossibilité de faire appel ou de se pourvoir en cassation porte atteinte au principe d’égalité devant la loi, garanti par l’article 7 de la Constitution : « Tous les êtres humains sont égaux devant la loi».

 

Ces manquements font de la Haute Cour de Justice, dominée par des parlementaires issus d’un même camp politique, une juridiction éminemment politique. La plupart de ses membres n’ayant ni formation juridique ni expérience judiciaire, ils risquent d’appliquer des directives partisanes.

 

Dès lors, l’indépendance et l’impartialité de la Haute Cour ne répondent pas aux exigences du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (article 14). Les décisions qu’elle rendrait seraient perçues comme politiques, renforçant ainsi l’image d’une justice des vainqueurs, guidée non par la raison, mais par la vengeance et la chasse aux sorcières.

 

Abdoulaye Gallo Diao

Membre du Bureau politique du Ps Secrétaire national adjoint chargé des TIC.

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