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Guerre des chiffres entre le régime de Macky Sall et celui de Diomaye Faye : le FMI en arbitre silencieux

Alors que le nouveau pouvoir dénonce une situation économique plus critique qu’annoncée, le régime sortant défend son bilan. Les experts financiers appellent à une lecture apaisée et à des réformes structurelles.

Par Mamadou Camara – Journaliste, Camou Communication

Depuis l’installation de Bassirou Diomaye Faye à la tête du Sénégal en avril 2024, un bras de fer s’est engagé autour de l’état réel des finances publiques. Entre affirmations chiffrées, mises au point et contre-attaques, l’opinion assiste à une véritable guerre des chiffres entre le nouveau pouvoir et celui de l’ancien président Macky Sall. Une situation qui inquiète les partenaires économiques du Sénégal, dont le Fonds Monétaire International (FMI), observateur attentif bien que discret.

Le nouveau régime alerte sur un “héritage lourd”

À son arrivée, le président Diomaye Faye, soutenu par son Premier ministre Ousmane Sonko, n’a pas tardé à dresser un tableau jugé alarmant de la situation économique. Le ministre de l’Économie, Cheikh Diba, évoquait dès mai 2024 un déficit budgétaire supérieur à 6,1 % du PIB, bien au-delà des 3 % recommandés par l’UEMOA, et une dette publique atteignant 75 % du PIB, contre 66 % déclarés en 2023.

Selon le gouvernement actuel, plusieurs projets d’investissements de l’ère Macky Sall ont été financés à crédit, sans visibilité sur les remboursements. “Des arriérés de paiement s’accumulent, les collectivités sont asphyxiées, et les recettes fiscales sont en dessous des prévisions”, expliquait récemment un haut fonctionnaire du ministère des Finances.

Réplique de l’ancien régime : “un récit exagéré et politique”

Les proches de Macky Sall dénoncent ce qu’ils appellent une “instrumentalisation des chiffres à des fins politiques”. Amadou Hott, ancien ministre de l’Économie, assure que le Sénégal a laissé “des fondamentaux solides” : une croissance moyenne de 6 % entre 2014 et 2022, une dette “maîtrisée” et des projets structurants (infrastructures, énergie, santé) financés de manière “responsable”.

“Le Sénégal n’est pas en faillite, contrairement à ce que certains veulent faire croire. Les chiffres sont là. Les investissements massifs visaient à préparer l’avenir, notamment avec le gaz et le pétrole”, a-t-il affirmé dans une récente interview.

Position du FMI : prudence et recommandations

Dans sa revue de juin 2025, le FMI a reconnu une “hausse préoccupante du niveau d’endettement” du Sénégal, tout en saluant les engagements du nouveau gouvernement pour plus de transparence budgétaire. L’institution recommande :

Une amélioration de la mobilisation des recettes fiscales

Une meilleure gestion des dépenses publiques

Une revue des subventions, notamment sur l’énergie

La rationalisation des agences et des entreprises publiques déficitaires

Le FMI appelle également à éviter les politiques populistes qui pourraient aggraver le déficit.

Les experts financiers : “sortir du débat politicien”

Pour plusieurs économistes, la guerre des chiffres risque d’alimenter l’incertitude économique au détriment des vraies solutions. “Ce n’est pas en diabolisant le passé qu’on construit l’avenir. Il faut une lecture sereine, des audits crédibles, et surtout un cap clair”, souligne l’analyste financier Mamadou Lô.

De son côté, l’économiste Ndèye Sokhna Fall propose d’adopter une règle d’or budgétaire, imposant une limite stricte au déficit structurel, et d’élargir l’assiette fiscale par la formalisation de secteurs informels.

Quelles solutions pour une santé financière équilibrée ?

Plusieurs pistes sont régulièrement évoquées par les spécialistes et partenaires du Sénégal :

1. Renforcer la mobilisation des recettes internes

Lutter contre l’évasion fiscale

Digitaliser davantage les services des impôts

Réduire les exonérations fiscales abusives

2. Réformer les entreprises publiques déficitaires

Audit de la Senelec, la Poste, Dakar Dem Dikk, etc.

Privatisation partielle ou mise sous gestion contractuelle

3. Optimiser les dépenses publiques

Réduction du train de vie de l’État

Meilleure planification des projets d’investissement

Renforcement de la commande publique transparente

4. Encadrer l’endettement

Emprunter à des conditions concessionnelles

Améliorer la gestion de la dette domestique

Publier un rapport semestriel sur la soutenabilité de la dette

5. Accélérer la diversification de l’économie

Miser sur l’agriculture de transformation

Promouvoir les chaînes de valeur industrielles locales

Tirer parti des revenus pétroliers et gaziers à des fins d’investissement productif, et non de fonctionnement

Conclusion

Si la transition politique a pu susciter de l’espoir pour un “nouveau départ”, elle ne saurait masquer les urgences économiques du Sénégal. Pour éviter que la guerre des chiffres ne tourne à la guerre des perceptions, l’heure est à la transparence, à la responsabilité et à l’action structurée. Le pari de l’équilibre budgétaire et du développement durable ne se gagnera ni dans les discours, ni dans les accusations, mais dans la rigueur et la vérité des comptes.

Mamadou Camara

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