Kaolack face à l’insalubrité : Moussa Fall sonne la révolte citoyenne
Le président de l’APRODEL dévoile un plan ambitieux et structuré pour extirper Kaolack des griffes de l’insalubrité chronique qui l’étouffe depuis deux décennies.
Par Mamadou Camara
Kaolack, autrefois cité emblématique du commerce et carrefour sous-régional, se trouve aujourd’hui dans une spirale de dégradation environnementale inquiétante. Depuis plus de vingt ans, la ville est victime d’une gestion chaotique des ordures ménagères et d’un réseau d’assainissement défaillant. Face à cette situation qui suscite indignation et désespoir, Moussa Fall, président de l’APRODEL (Association pour la Promotion du Développement Local), prend la parole et propose une batterie de solutions concrètes et audacieuses.
Une ville balafrée par deux décennies d’inaction
À l’heure où Kaolack aurait pu s’imposer comme un modèle d’urbanisation au centre du Sénégal, elle est devenue, selon les mots du président de l’APRODEL, « balafrée, vilipendée, lacérée sur tous les plateaux ». En cause, une mauvaise gestion des déchets, aggravée par l’absence de bacs, la vétusté ou l’insuffisance des camions de ramassage, et l’inaction d’un personnel souvent démotivé ou mal formé.
Autre facteur aggravant : la quasi-inexistence des conseils consultatifs de quartier, devenus inopérants faute de moyens, tandis que les acteurs économiques, censés être partenaires dans la propreté des marchés, ne s’entendent pas sur une vision commune. Résultat : une gestion municipale marquée par l’unilatéralisme, loin des logiques de co-construction et de consensus.
À cela s’ajoute une urbanisation désordonnée, avec des lotissements administratifs qui bafouent les normes établies. Des voies d’évacuation d’eaux transformées en stations-service, des décisions qui défient le code de l’urbanisme et compromettent durablement l’équilibre écologique de la ville.
Responsabilités partagées, mais État fautif
Dans sa démarche, Moussa Fall n’épargne personne. Selon lui, la responsabilité est partagée entre l’État, en tant qu’autorité décentralisée, et les populations. Toutefois, il insiste sur le fait que les textes législatifs sont clairs, qu’il s’agisse du code de l’urbanisme, du code de l’environnement ou de celui de l’hygiène. Le problème se situe ailleurs : dans l’inapplicabilité chronique des décisions, mais aussi dans l’indiscipline et le manque de culture citoyenne au sein de la population.
Mais surtout, il pointe du doigt le laxisme de l’État, incapable, selon lui, de mener une politique efficace en matière de gestion des ordures. Les collectivités locales sont tenues à l’écart, sans marge de proposition réelle, et le secteur de l’assainissement reste le parent pauvre des politiques publiques.
Un plan de bataille citoyen pour une ville propre
Pour sortir Kaolack de l’ornière, Moussa Fall propose une approche inclusive, participative et structurée.
Organisation d’assises citoyennes pour évaluer deux décennies de politiques publiques dans le domaine de l’hygiène et de l’assainissement.
Création d’un comité ad hoc composé de représentants de la société civile, notamment les délégués de quartier.
Mise en place de Clubs Citoyens dans chaque quartier, véritables relais opérationnels dotés de moyens logistiques et humains.
Lancement du Prix Kaolakois de la Propreté, une compétition annuelle visant à valoriser les quartiers les plus exemplaires.
Triplement du budget alloué au secteur de l’hygiène, financé par :
une nouvelle taxe municipale ciblant les entreprises locales,
une réaffectation des recettes issues des autorisations de construire,
et une mobilisation active auprès de l’État et de la coopération internationale.
Enfin, Moussa Fall plaide pour la création d’un poste de Conseiller spécial du maire chargé de l’hygiène et de la propreté, épaulé par un cabinet technique qualifié.
Vers une nouvelle ère pour Kaolack ?
Avec ce plan, le président de l’APRODEL entend insuffler une dynamique nouvelle et réveiller une conscience citoyenne longtemps endormie. Plus qu’un simple programme d’assainissement, il s’agit d’un véritable projet de société, fondé sur la responsabilité, la transparence et l’engagement communautaire.
La balle est désormais dans le camp des autorités locales, de l’État et surtout des Kaolakois eux-mêmes, invités à prendre part activement à la reconstruction environnementale de leur ville. Kaolack mérite mieux. Et il est temps d’agir.
Mamadou Camara